Ce qu'il est convenu d'appeler "l'affaire DSK" n'est pas une "simple" affaire de moeurs. Il n'en existe pas de vraiment simple mais celle-ci s'avère particulièrement complexe. Pourquoi ?
D'abord parce qu'elle concerne un homme politique extrêmement important, dirigeant d'une très grande organisation internationale et candidat, au moment des faits (quelle que puisse être leur qualification juridique), à la présidence d'un grand pays.
Ensuite parce qu'elle concerne un homme politique se revendiquant de la gauche socialiste française dont on sait quelle est l'étendue des leçons de morale administrées en permanence à la planète entière.
Enfin parce qu'elle oppose deux mondes radicalement différents : d'un côté un homme puissant et riche, de l'autre une femme modeste issue de l'immigration.
Un dernier aspect, et non des moindres : l'issue judiciaire de cette affaire ne peut que desservir les femmes en général et les victimes de violences physiques et sexuelles en particulier. Quelle crédibilité accorder à leur point de vue si l'on se réfère à cette mauvaise série américaine qui voit presque, en définitive, la victime présumée se retrouver sur le banc des accusés...
Certes, si relation intime il y a eu, on ne peut prouver formellement que la violence a été utilisée pour y parvenir. En termes juridiques, on ne peut pas affirmer non plus qu'il y a eu, au moment des faits, un consentement libre et éclairé de la part de la jeune employée de l'hôtel.
Bien sûr, certains beaux esprits rétorqueront que cette jeune femme est loin d'être parfaite, qu'elle a probablement commis des erreurs dans son passé récent, qu'elle a peut-être même menti pour entrer sur le territoire américain... Tout cela est sûrement vrai ou au moins vraisemblable et, en tout état de cause, prouvé ou présumé grâce aux moyens colossaux dont a pu disposer la défense de l'ancien accusé.
Le fait que la Justice américaine abandonne les poursuites dans le cadre de la procédure pénale était, en raison des moyens d'investigation déployés et de l'absence de preuve formelle, assez prévisible. Le tribunal de New-York ne saura jamais dire avec certitude ce qui s'est vraiment passé.
On ne peut pour autant se réjouir de l'abandon des poursuites contre DSK. Si sa culpabilité n'est pas prouvée, son innocence non plus. Les dirigeants socialistes se sont d'ailleurs d'eux-mêmes disqualifiés en se réjouissant publiquement de l'abandon des poursuites et du retour de M. Strauss-Kahn. Ils ont manqué de la plus élémentaire pudeur, abandonnant, au passage, les grands principes qu'ils sont censés défendre. Dans les médias, l'indécence et le mépris ont occupé tout l'espace.
Cet "immense soulagement" (sic) s'inscrit dans la droite ligne de l'immense faculté d'oubli dont certains ont pu faire preuve, même si, au lendemain de l'arrestation de DSK, ils ont trouvé les ressources nécessaires pour se souvenir subitement de faits présumés, vieux de plusieurs années. Peut-être était-ce leur façon de trouver là une forme de rédemption ou, en étant moins optimiste, de se donner bonne conscience ?