Aide, assistance et accompagnement versus assistanat : élargissons le débat
La discussion suscitée par les déclarations de Laurent Wauquiez, brillant ministre des affaires européennes, sur le plafonnement des aides sociales et sur une contrepartie, même modique, au versement du revenu de solidarité active (RSA), a certes le mérite de placer ce sujet au coeur du débat public. Cette question intéresse et mobilise une partie significative de la population française qui "se lève tôt", pour reprendre l'expression aujourd'hui consacrée.
Ce préalable posé, il apparaît pourtant que si des évolutions sont certainement à envisager, cette prise de position n'intervient pas dans les meilleures conditions : d'une part, elle donne l'impression qu'une personnalité de premier plan de la majorité semble "se concentrer" sur nos concitoyens les plus modestes (ce qui n'est pas le cas) et, d'autre part, une absence de concertation gouvernementale en amont n'est jamais souhaitable si l'on veut préserver la cohérence de l'action de la majorité présidentielle.
Chacun en convient, la création du RSA, acte politique courageux, a été motivée par la nécessité de remédier aux défauts du revenu minimum d'insertion (RMI) qui n'a jamais rempli réellement son office c'est-à-dire favoriser l'insertion de ses bénéficiaires. Cette réforme initiée par Martin Hirsch permet d'assurer un revenu minimum à chaque citoyen tout en encourageant une reprise d'activité. Il s'agit concrètement de garantir un niveau de revenus plus important aux personnes qui travaillent. C'est une avancée que personne ne conteste vraiment, quelle que soit la sensibilité politique.
Qu'une contrepartie de quelques heures d'investissement dans le sens de l'intérêt général soit proposée aux bénéficiaires du "RSA socle" est probablement une piste à étudier dont il faudra bien mesurer les effets, positifs ou non. Mais c'est une démarche bien plus large qui me semble devoir être initiée, fondée sur l'esprit de responsabilité. Exiger une contrepartie au versement d'une indemnité ou d'une prestation pourrait être la règle dans une société qui a érigé le contrat comme principale source de droit.
Plus précisément, le "donnant-donnant" ou, selon la notion juridique appropriée, le contrat synallagmatique (se dit d'un contrat qui comporte des obligations réciproques), devrait être la norme quand de l'argent public est versé à un bénéficiaire, en dehors des situations liées au handicap ou résultant de procédures juridictionnelles, entre autres exceptions. Le champ de la discussion s'en trouverait considérablement élargi puisque seraient ainsi concernées les différentes aides dont celles versées aux agents économiques, notamment les entreprises dans le cadre d'une implantation ou d'un dispositif spécifique.
Soyons honnêtes : de telles possibilités ont d'ores et déjà été explorées, en matière de rénovation urbaine ou de zone franche par exemple (les entreprises intervenant dans ce cadre se doivent de faire appel à des personnes domiciliées dans les quartiers concernés). Il y a toutefois fort à parier que ce thème éclairé par l'esprit de responsabilité et la logique du contrat pourrait conduire les pouvoirs publics à se montrer plus exigeants en matière d'utilisation d'argent public. Une avancée dont les effets seraient probablement perceptibles au-delà du cadre aujourd'hui envisagé.