L'incontournable question des retraites
Les consultations du ministre du Travail avec les partenaires sociaux sur la réforme des retraites viennent de débuter et doivent se dérouler pendant plusieurs mois. Chacun le sait : avec l'augmentation de l'espérance de vie et par voie de conséquence du nombre de retraités d'un côté, et l'accumulation des déficits de l'autre, cette question se pose avec une acuité jamais atteinte.
Notre système est construit sur la répartition c'est-à-dire la solidarité entre les Français puisque les actifs financent les retraites. Or, nous assistons à une dégradation continue du ratio actifs / retraités, ce rapport étant passé de plus de 3 actifs pour un retraité dans les années 1970 à moins de 2 dans les années 1990 et à 1 dans quelques décennies... D'un grand progrès -la durée de vie moyenne qui s'allonge- naît une vraie difficulté qui pourrait rapidement se transformer en impasse si aucune évolution n'était envisagée : le financement de nos retraites.
Que les choses soient bien précisées à ce stade : le système de la retraite par répartition ne sera pas remis en cause et, de la même façon, il n'y aura pas de diminution des pensions des retraités. La loi de 2003 a d'ailleurs réaffirmé cette garantie minimale accordée aux retraités puisqu'elle pose le principe du maintien du pouvoir d'achat des pensions. Tout ceci peut sembler relever de l'évidence mais il est préférable de l'énoncer clairement.
Pour autant, le problème reste entier puisque nous passerons de 14 millions de retraités en 2014 à environ 29 millions à l'horizon 2050. Ajoutons à ces données chiffrées que la crise économique n'a pas contribué à améliorer la situation, bien au contraire, puisque les destructions d'emplois ont lourdement affecté les capacités de financement des retraites.
Sur le plan budgétaire, il convient de signaler que les régimes de retraite (au nombre de 37) connaissent un déficit cumulé de 30 milliards d'euros. La Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui gère le régime des retraites de base des salariés du secteur privé, est le premier opérateur français en matière de retraites. Elle est en déficit depuis 2005, celui-ci ayant atteint 5,6 milliards d'euros en 2008, et la situation devrait continuer à s'aggraver. Quel défi que de financer un déficit de l'ordre de 10 à 15 milliards d'euros pour la Caisse et le Fonds de solidarité vieillesse créé en 1993 réunis !
Aujourd'hui, le niveau des recettes affectées à la fonction "retraite" est de l'ordre de 12 à 13 % du produit intérieur brut. La France se situe au troisième rang des pays de l'OCDE, après l'Autriche et l'Italie, ceci en raison, justement, du choix de systèmes collectifs de retraite par répartition de haut niveau. Faut-il augmenter le taux de cotisation et faire reposer sur les cotisants c'est-à-dire les jeunes générations le financement des retraites ? Ou bien s'agit-il de mobiliser d'autres sources de financement et au détriment de quels autres besoins collectifs ?
Un autre sujet de préoccupation lié au financement des retraites réside dans l'emploi des seniors dont le taux d'activité est relativement faible en France par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Encore faudrait-il regarder les chiffres avec une grande attention car la situation est différente selon que l'on ait plus ou moins de 60 ans.
De nombreuses autres interrogations figurent au centre des préoccupations du Gouvernement et des partenaires sociaux et une très large place doit être réservée à la concertation avant que des décisions soient prises.
Deux orientations peuvent toutefois être envisagées sans préjuger de la teneur des échanges qui viennent de débuter : celle tenant à un recul de l'âge légal de départ à la retraite et celle tenant à l'augmentation du nombre de trimestres nécessaires au départ à la retraite.
Après la réforme voulue par le Gouvernement Balladur en 1993 qui a notamment vu le passage à 40 années de cotisation pour le secteur privé au lieu de 37,5 et la réforme Fillon de 2003 qui a vu l'alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle du secteur privé, après la réforme de 2007 qui a aligné les régimes spéciaux sur cette durée de cotisation, c'est, une fois encore, une majorité de droite qui affronte non sans un certain courage ce sujet particulièrement difficile.
Il est indispensable pour notre pays et les générations qui vont nous succéder que la question de la pérennité de nos systèmes de retraite se trouve enfin réglée. Sur cet objectif au moins, le consensus semble de mise. Reste à en définir les conditions.